La première œuvre à laquelle on accède, juste après le grand empilement de planches de contre-plaqué, celle qui porte le numéro 88 – et qui vient donc après l’œuvre n°1322 –  porte la description suivante :  A sheet of A4 paper crumpled into a ball. En sus, l’artiste précise qu’elle fait 5,1cm de diamètre. Précision qui doit avoir son importance puisque l’on devine que c’est pour éviter que quelqu’un en change imprudemment les données qu’elle est disposée dans une boite en plexiglas.

À la question : « pourquoi organisons-nous une exposition ? », Martin Creed, l’artiste pourrait répondre que ce type d’événement à la même probabilité que la forme de ses travaux. De toutes les manières dans l’art contemporain la probabilité d’une exposition est aussi grande que celle de voir un néon, d’ailleurs il y en a un.

L’artiste numérote ainsi ses œuvres. Celles-ci peuvent être de tous types, toutes formes, toutes dimensions. On croise des sculptures, clous plantés au mur en ordre croissant, des phrases, statements soigneusement écrites à la main sur des feuilles de papiers bureautiques, souvent tautologiques, des peintures, petites et sur toile, grandes et murales, des installations, des vidéos, qu’importe. C’est la liste qui fait l’Œuvre.

Tout autour s’agitent plus ou moins silencieusement les gardiens, les agents de propreté, le personnel, quelques visiteurs, mais vraiment pas trop. Les œuvres, elles, sont parfaitement silencieuses, mise à part n°670 qui, en tant que vidéo, se doit de faire du bruit, mais c’est bien la seule. Toutes les autres allient cliniquement propreté et simplicité. D’une certaine manière, dans cette profusion de probabilités froides, mais à aucun moment futiles – et à laquelle nous participons dès le moment où nous mettons les pieds dans l’espace de l’exposition –, les œuvres sont plus agréables que les personnes. Elles sont statistiquement plus reposantes. Le constat est sans appel, l’espace à beau être vaste, et nos congénères discrets, la nature expansive et insaisissable de l’œuvre de Martin Creed est misanthrope. Elle révèle le vide en nous. Et c’est reposant.