Il est des expositions avec lesquelles le dialogue se crée immédiatement où, sans le moindre effort, les œuvres s’emparent du regard et l’intègrent dans leur réseau discursif. Cette facilité se cale sur un équilibre sensible des travaux, un accrochage judicieux et simple, rien de superflu, juste des œuvres et un espace. Dans Décalage, l’exposition en cours à la Galerie Shleicher+Lange, seul trois artistes construisent le propos.

La première œuvre est Array de Chris Cornish. Elle consiste en quatre antiques pieds d’appareils photo sur lesquels l’artiste a monté des globes. Trois d’entre eux sont opaques – gris, noir, et blanc – ; le quatrième est métallique, et sa surface reflète toute la pièce, visiteur inclus. Difficile de dire ce que sont vraiment ces montages, ces insectes à la mécanique vieillotte. Ils ont l’air d’être arrivé là eux-mêmes, sans savoir comment.

Légèrement plus loin, sont accrochées trois impressions d’Evariste Richter. Chacune d’entre elles est composée de trames de petit point formant des motifs complexes répétés. Cette rigueur formelle n’a pourtant rien de rigide, Degrés 001, 002 et 003 se contemplent presque comme des cartes du ciel. De prime abord, elles semblent identiques, mais en s’approchant on change d’avis, et encore, on plisse les yeux mais rien n’y fait, il est impossible de les percevoir clairement. Tant et si bien que l’on détourne le regard pour se diriger dans la salle suivante.

Là on découvre la troisième œuvre de l’exposition, Parsec 2 de Timo Nasseri. Cette sculpture consiste en assemblage de facettes triangulaires, agencées pour former ce qui s’apparente à un cristal. Cette forme renvoie à quelque chose à la frontière d’une fraise de machine outil et d’un presse-citron. Elle est posée directement au sol, pas au centre ni dans un coin ; elle est juste disposée de manière à ce qu’on la découvre, presque par hasard dans cette salle blanche et vide du sol au plafond, échouée telle une météorite.

De chacune de ces œuvres se dégage une sensation d’étrangéité temporelles. Elles ont l’air incroyablement lointaines et déconnectées de toute fonction contemporaine. Elles sont là, tels les vestiges d’une expédition spatiale antédiluvienne.