La galerie Marie Cini présente un ensemble de peintures de Jérémie Delhome. L’endroit a une atmosphère chaude et intimiste, redoublée par l’opacité de la vitrine troublée par la condensation. Six formats moyens sont alignés sur les murs blancs du petit espace de la galerie, une dizaine dans le bureau.

La peinture de Jérémie Delhome a quelque chose de la joaillerie. Ce rapprochement n’intervient pas à cause d’une quelconque forme de fioriture, mais par la perfection de la taille des images sans masse que l’artiste cisaille dans ses peintures. Chaque toile est traitée comme une pierre brute que l’artiste travaille, rendant la forme toujours plus parfaite à mesure que sa planéité s’affirme.

Ces pierres n’ont pourtant pas d’éclat. Jérémie Delhome les façonne, les aiguise et les polit, jusqu’à ce que leurs surfaces deviennent lisses et impénétrables. Il leur donne un aspect glacé et légèrement épais, presque opaque contre lequel la lumière semble perplexe. À leur contact elle se concentre et se brouille. Elle joue de nous et des dégradés de couleurs, toujours à deux doigts d’abdiquer tant ces camaïeux mâts, imprégnés de gris, pleins, durs et incassables ne lui offrent que peu de prise. Et en même temps – si on les observe de plus près – ces peintures donnent l’impression d’être parsemées d’un grain uniforme et régulier. Ils recouvrent les œuvres d’un léger trouble, comme une déperdition de netteté, quasiment de l’ordre du pixel, du photographique. Ce trouble est si tenace que l’on doit se retenir de passer ses mains sur les peintures pour en avoir le cœur net.

Mais face à elles on ne peut que se heurter à leurs substances d’émeraude, de rubis, d’améthyste et de grenat. Ces pierres, ces peintures nous agrippent, elles réveillent en nous une intense concupiscence qui crée un vide, un appel d’air qui nous donne envie de nous fondre en elles.