Les peintures de Jonathan Lasker sont de celles auxquelles on rend visite, on les voit très peu car elles sont restées au chaud entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. Alors de temps à autre on fait le voyage pour aller se souvenir de ce qui agitait nos regards à ces époques. Et c’est peu dire qu’elles semblent lointaines.

Le travail dans lequel l’artiste est engagé depuis plusieurs décennies consiste inlassablement à reprendre à la lettre le combat trilogique de la couleur, de la matière et de la composition. Il procède méthodiquement par l’assemblage de grilles et de gribouillis, de motifs libres et répétitifs, tantôt légèrement tracés sur la toile, tantôt vigoureusement enfoncés dans une matière épaisse et colorée. Ce travail semble à la fois compulsif, de part le constant retournement de la même question, presque régressif par la joie pâteuse mais jamais croûteuse de l’huile, et en même temps énormément pondéré – réfléchi –, impeccablement juste et régulier dans son unité.

Ainsi, l’artiste donne toujours l’air d’avoir tartiné tranquillement ses toiles. Mais n’en a pourtant autant jamais terminé. C’est presque une démonstration par l’absurde, une sorte de boucle patinant sans fin à l’extrême bout du formalisme triomphant dont l’artiste est l’héritier.

De ce point de vue Lasker est l’employé des enjeux caractéristiques de la décennie qui a vu son travail se développer. Ces objets et ces directions que la peinture semble avoir perdue aujourd’hui y perdurent lentement mais non sans acuité. La visite se déroule donc comme un étrange anachronisme, un anachronisme muet et persistant que la Galerie Thaddaeus Ropac propose près de chez nous.