Le moins que l’on puisse dire est que la Conciergerie n’est pas un lieu facile pour les expositions. Trop beau, trop parfait, trop plein de piliers, minéral et sans fenêtres, l’espace est un quadrilatère sans concession qui ne pardonne rien.

Alors que faire dans ce cadre ? « Bêtes off » était une grande idée. Depuis une dizaine d’année l’art contemporain est devenu une jungle bourdonnant de toutes parts ; l’installer au milieu des colonnes qui ont vu la Révolution présentait une réelle opportunité – tant d’un point de vue muséographique qu’artistique. Pourtant l’exposition est un échec. Et ce n’est pas faute d’avoir rassemblé un corpus digne du projet ; de Berlinde de Bruykere à Marc Dion toute la faune pensante et naturalisée est présente. D’ailleurs, souvent, prises une à une les œuvres parviennent à nous agripper solidement. Et la visite de l’exposition est remplie de belles retrouvailles et de quelque formidables rencontres.

La vidéo de Muriel Toulemonde, Fabeltier, est de celles-là. L’installation montre un imposant cheval piétiner un torrent dans ce qui s’apparente à l’espace d’une cage d’ascenseur. L’animal n’est vu que par le dos de sa robe grise, le bruit des sabots dans l’eau et le roulement des muscles de son fessier donnent à l’ensemble un rythme chevaleresque que contraint l’espace minuscule dans lequel se situe la scène. Face à ce spectacle, l’observateur est gêné mais retenu par un trouble qui n’a rien de sadique, car ce qui plaît n’est pas tant la vacuité du mouvement perpétuel, incompréhensible et forcé du cheval, que l’ondulation de sa peau accordée à l’eau qui coule.

Plus loin les trophées de chasse tricotés par Laval-Jeantet & Mangin d’ « Art Orienté objet » nous renvoient au plaisir enfantin de la savane. Le tigre plus orange que nature et la girafe au cou trop étroit et à la bonhomie suspecte dérident avec justesse le visage des visiteurs. Car des trophées de chasse il y en a en grandes quantités. Le plus souvent ils sont graves, comme celui de Renaud Auguste-Dormeuil qui suspend à un mur une pauvre peau de licorne fripée et usée par le poids des fantasmes. Dans ce cas comme dans beaucoup d’autres l’animal a une charge mélancolique appuyée. Ces natures mortes exhibées, pauvres, innocentes et parfois cruelles poussent l’anthropomorphisme et  l’indentification du visiteur à son comble, mais parfois coincé entre l’image de Brigitte Bardot et celle du chasseur viril.

Ainsi l’exposition regorge de pièces saisissantes. Mais la scénographie catastrophique et la maigreur du propos font de l’ensemble une douloureuse soustraction, où les œuvres, telle des bêtes de concours, sont parquées côte côte avant l’abattoir. Plus on avance dans le parcours moins on lui trouve d’attrait, l’animal devient un prétexte faible donc les œuvres résonnent désagréablement. La faute au zoo qui les enferme.