Envisager Paul Cézanne à Paris fait surgir de nombreux fantasmes. Tout d’abord, comme pour chaque exposition du maître on se prend à rêver de voir revenir certaines œuvres parties trop loin et depuis trop longtemps, pour enfin les découvrir autrement qu’en vignette. Ensuite il y a toute la petite histoire de l’homme et de son désamour pour la capitale, de celle que l’on se raconte les soirs de veillée, pleine de contre-cœurs, d’œillades et de fierté bien aiguisée. Tout cela l’exposition le propose à son petit niveau – les mamies pourront raconter aux papys, et l’Amérique s’est montrée bonne joueuse.

L’entrée de l’exposition est occupée par un tout petit autoportrait de l’artiste. Il est placé un peu trop haut pour qu’on puisse aisément l’admirer, en fait il a plutôt l’air d’être là comme une image pieuse devant laquelle chacun se signe.

En suite viennent des paysages urbains d’Île-de-France, des toitures, des quais et des abords de fleuve et de rivières. D’une certaine manière ici se trouve l’essentiel de la substance proprement parisienne de l’exposition. Par la suite, tout le reste ne sera plus que parties de campagnes. Car l’objet de l’exposition porte avant tout sur les rapports qu’entretient l’artiste à la scène culturelle de la capitale. On le voit un pied dans le Louvre, l’autre dans la gadoue, Guillaumin et Pissarro à ses cotés, Manet et Delacroix en ligne de mire. L’exposition rend hommage au long chemin de Cézanne et à l’esprit de camaraderie de l’époque. Difficile de ne pas fondre d’empathie devant l’association des travaux de ces artistes ; et même si tout cela demeure un peu trop brodé pour être vrai, et même si l’on sent bien que l’exposition nous prend par la main pour nous entraîner vers la sensiblerie, il n’y a pratiquement aucune raison pour ne pas y verser.

La scénographie sans ambition donne tout ce que l’on pouvait attendre du si petit espace du musée du Luxembourg. Et la lumière, soignée, rend agréablement grâce à l’aspect cimenté des œuvres de Cézanne. À ce titre le Portrait de Victor Chocquet se plaque en un admirable parquet dès que l’on fait un pas de coté.

Dans l’avant dernière salle est regroupée une galerie de portraits, là encore le lien avec Paris est tenu. Mais l’on y trouve des représentations de la compagne de l’artiste, où son visage devient image, traitée comme une commode. L’accrochage ne manque d’ailleurs pas de rappeler que le papier peint y est le même que pour celui des tableaux voisins, mais où sa femme ne rentre pas dans la composition.

On finit sur une salle entière de paysages, Fontainebleau et Chantilly. Ce sont des travaux de la fin de sa vie, il retourne sur des motifs qu’il a bien connus histoire de voir à quoi ressemblait l’élan de sa jeunesse.