Étienne Martin n’a pas bonne presse, son travail un peu vieillot mais primé à Venise en 1966 – soit deux ans après Rauschenberg -, le rend suspect. Il a la réputation d’attirer la main tel un bon vieux fauteuil mais de peu secouer l’esprit. L’exposition au Musée des Beaux Arts de Lyon n’essaye pas de changer la donne, elle laisse l’artiste là où on a l’habitude de l’oublier, la fin de comète de l’école moderne française.

Etonnamment cela n’apparaît pas grave. Le sculpteur demeure un mystère, et ces sculptures enfermées en elles mêmes s’empressent de démentir la facilité à laquelle on s’attend en les abordant. L’image de l’artiste barbu travaillant le bois est pleine de clichés, mais ceux là sont inopérants dans le travail d’Étienne Martin. Rien n’est offert, c’est comme si le bois se repliait sur lui même, ces sculptures semblent créer en leurs seins des réseaux de communication de chaleur auxquels on n’accède pas. On s’y heurte comme à  la fonte d’un radiateur, la douceur que laisse supposer leur intimité est un leurre, nous sommes bel et bien enfermé en leurs l’extérieurs.

Le Dragon et le Cerbère sont des cas à part, ces bêtes se répandent et se déploient. Elles sont toutes de muscles, en force et en puissance comme seules peuvent l’être les grosses cylindrées américaines. Mais ici aussi ces sculptures sont telles des fossiles, on a l’impression que leur matière a envahi les tissus et les conduits de circulation. Il y a toujours le souvenir de la fluidité dans ces solides.

Quand apparaît la couleur tout cet ordre se renverse, l’intériorité, criante mais inaccessible des œuvres se tait pour laisser place à la joie des volumes. Mais ces pans rouge, jaune, bleu et vert sont aussi des codes, des énigmes, une géographie de la sculpture tracée par le regard. Les schémas aux feutres que dessine l’artiste sont à cet égard d’une grande force. Ils ont lieux de démonstration tant ésotérique que technique.

Tout à la fin de sa carrière l’artiste laisse de plus en plus apparaître les formes nées de la nature dans les troncs de bois qu’il sculpte. Il s’aperçoit que tout est presque déjà là, qu’il n’y a plus qu’à polir, il cesse de contraindre et laisse enfin la matière s’échapper. Mais l’exercice est un peu périlleux, Etienne Martin y gagne en complaisance ce qu’il perd de mystère.

Peut être faut il voir dans ces derniers travaux la raison du regrettable désintérêt qu’entoure Étienne Martin. Peut être faut il aussi accepter que l’artiste ne gagne pas toujours son combat.