L’exposition de l’artiste allemand chez sa galeriste parisienne est composée de deux types d’œuvres. De très grands formats blancs, tracés de noir, au fusain à l’acrylique et au pochoir, ainsi que de petits dessins de même aspect mais d’une facture beaucoup plus précieuse et légère, accentuée par les vitres les séparant des observateurs.

Dans les deux cas, assez peu d’impressions numériques, alors que celui qui connaît ce travail l’aurait parié. D’une manière générale il y a beaucoup de blanc et de lacunes. Parmi les motifs utilisés nombreux sont ceux que l’on ne reconnaît pas, mais l’on trouve, ici et là, des tuiles imbriquées et pas mal de réseaux géométriques composés selon un ordre agité mais millimétré. Au milieu de ces éléments le geste du pinceau de l’artiste brouille l’arrangement en même temps qu’il facilite la lecture et la circulation de l’œil. Malgré le grand fouillis règne dans ces peintures l’artiste gagne le pari de tisser une image cohérente. À chaque fois l’exercice de composition est repris de zéro, et à chaque fois on est frappé que cela fonctionne si bien. L’exposition qui ne comporte que cinq tableaux, tous pratiquement identiques, n’en est pas moins d’une étonnante diversité. Mais le meilleur est à venir.

Les petits dessins – surnuméraires par rapport aux peintures, dix en tout – ne se découvrent que dans un second temps. Comme toujours chez Oehlen ils ne sont sans aucun rapport avec les tableaux, ils ne viennent ni avant ni après, ne s’inspirent ni préparent, ce sont des œuvres à part entière et indépendantes. Dans ces travaux, assez petits, tout est présent à la manière dont les choses existent entres elles dans les peintures, mais en condensé. Ces feuilles sont faites de collages, de calques, de traits, d’encre, de crayon et de papiers. Leurs quelques cm² suffisent à emporter l’adhésion sans avoir une seconde à y penser. Ce sont ni plus ni moins que le summum du dessin, ils ne minaudent jamais, restent sobres tout en s’autorisant tous les écarts de langages, ils piquent le regard et l’attrapent sans aucune lourdeur. Tant et si bien que l’on se demande comment l’artiste a pu finalement décider de montrer les grandes toiles après avoir produit de tels prodiges de poche.