Aaron Young fait partie des artistes qui se posent la question de l’Amérique avec les mots de l’Amérique. Comme Bruce Sprinsteen avant lui, il considère que le drapeau et la veste en jean sont des symboles concrets, impossibles à déniaiser ou à galvauder. Ces signes, l’artiste prend acte qu’ils sont siens en pénétrant dans la longue histoire de leurs expositions publiques. En l’occurrence, c’est à Paris, Galerie Almine Rech que cela se passe.

Et il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Les premières œuvres de l’accrochage sont des peintures de formats rectangulaires et triangulaires arborant sans ambiguïté des rangées d’étoiles sur un fond de toile brute. L’imaginaire collectif joue à fond et l’on pense immédiatement à des drapeaux américains, même si Aaron Young n’en imprime qu’un seul élément. Le sentiment est justifié dans la seconde salle où les tableaux reprennent entièrement la bannière étoilée. L’artiste la représente froissée avec en son centre ce qui ressemble à du grillage, un pansement nous dit-on. L’ambivalence du propos est au cœur même de la tradition dans laquelle s’inscrit le geste de l’artiste. Le drapeau, on l’aime et on l’expose fièrement, quand bien même il soit troué, souillé ou fichu, l’union qu’il indique dépasse largement les contingences temporelles.

Posée au sol, se trouve une installation vidéo formée de deux écrans diffusant des vues prises à ras le sol dans l’herbe d’un jardin mal tondu. On pense à un fantassin rampant à l’approche de l’assaut, mais l’image tourne sur elle-même, et en plein jour, le soldat américain y est plus que jamais déboussolé et à découvert. L’époque héroïque du sauveur est belle et bien terminée, le pauvre bougre paumé sur le gazon de son pavillon de banlieue ne sait plus où donner de la tête.

Une autre vidéo vient questionner les rapports à l’autorité morale et virile. Goodboy est une projection à l’échelle un. Elle montre un chien pendu par la muselière se balançant à une chaîne avec en fond sonore les injonctions de son maître beuglant fièrement « Good boy, yeah! Good boy ». L’agressivité de l’image associée à la bêtise et la vacuité qu’elle renvoie laisse coi. La vidéo aurait aussi pu s’appeler : « l’Amérique, les américains et le monde » laissant à chacun le soin de savoir où il se situe dans ce trio.