La galerie Graça Brandão organise une double exposition sur la mémoire, la mémoire des peuples et la mémoire de leurs quotidiens.

Au rez-de-chaussée Alejandro Somashini vient raviver les vieux fantasmes et l’héritage expansionniste du Portugal. Cuando los estan nublados, no todo lo que brilla es oro est nourri par les relations lusitano-brésiliennes, la ruée vers un monde de métaux précieux, l’espoir, l’imaginaire et la déception des européens. L’installation débute avec mur de faïences jaunes, dessus un conquistador affiche fermement ses ambitions. Mais c’est de terre que sont constitués les trois lingots empilés à côté. La forme indique bien la richesse des prises, mais la nature de celle-ci est toute autre que celle attendue.

Plus loin, des plâtres recouverts d’une feuille dorée sont suspendu prés du sol. On ne devine pas vraiment leur nature, ils pourraient être des morceaux de cordes. Et ils ne sont certainement pas grand-chose, mais l’artiste leur a insufflé un reflet précieux, ainsi ils le deviennent. Toute l’exposition est faite de cette tension entre matière et image. Juste après, un long et étroit morceau de bois carbonisés recueille dans une rigole creusée en son milieu un filet de plomb versé. La vacuité du pactole rejoint ainsi la mécanique magique du liquide prenant forme sous un autre état. Cette transfiguration devient encore plus évidente quand, tout au bout de la salle, des objets en plâtre moulés, mais recouvert d’or sont déposés dans des caisses en bois. On y reconnaît des blasons et des armoiries, mais la lueur de richesse déposée sur leur surface ne suffit pas à faire illusion quant à leur nature. C’est du toc.

La seconde partie de l’exposition rassemble plusieurs œuvres de Carla Filipe regroupées sous le titre Bordas de Alguidar. On y trouve, étalés au sol, des outils en bois, ou ce qu’il en reste. Ils forment des signes dont le sens s’est perdu avec leurs usages. Vus d’en haut ils sont une suite de glyphes amusant, de près on s’aperçoit que ces objets usés ont eu un sens, un sens encore suffisamment proche de nous pour que nous ressentions son existence, mais déjà trop loin pour que nous puissions nous en saisir. Ce texte est déposé au sol – hors de porté de main, sauf à fléchir les genoux – parce que seule sa lecture distanciée nous permet de comprendre qu’il s’est vidé de son sens pratique et tactile.

Au mur sont accrochés des livres mités. Ils sont ouverts et remplis de tunnels creusés par les insectes. Les ouvrages sont anciens, leurs textes portent sur l’histoire du Portugal, désormais ils sont à peine utilisables. Tant à cause de l’histoire qu’ils contiennent, réécrite depuis longtemps, qu’à cause des lacunes engendrées par le passage des bêtes. À présent leur forme rattrape leur contenu grâce aux mites qui ont tracé une nouvelle histoire. Celle-ci n’a guère de sens, elle est faite d’arabesques et porte en elle sa propre fin ; quand les insectes auront fini de dévorer les livres, ils disparaîtront, ancien texte et nouvelles formes ensembles.