Les centres d’art contemporain sont aujourd’hui comme les bibliothèques, presque toutes les villes veulent avoir le leur. Pourtant, l’expérience de l’art contemporain continue encore, parfois, à surgir sans que l’on s’y attende. Il suffit d’une petite rue pavée, vide, rénovée il y a moins de dix ans avec l’argent de l’Europe, serpentant au fin fond du Portugal pour se laisser surprendre.

Dans cette ruelle, pas un chat, une poignée de voitures mal garées, et entre deux portes fermées, une vitrine montrant plusieurs petits tas de cassettes audio à même le sol. Les jaquettes sont griffonnées au bic, raturées de listes et de titres hauts en couleurs. De cette douzaine de piles un tiers s’est effondré et forment des tas, les autres sont toujours dressées. Ces compilations, titrées et regroupées sous le nom de bande son de nos vies, semblent sous-entendre silencieusement : nos vies passées et provinciales. Mais il n’y qu’à entrer pour les faire revivre, une petite salle noire diffuse les morceaux choisis par l’artiste. La plus part d’entre eux ont beau être inconnus des non portugais, leur tonalité, caractéristique des deux décennies passées, nous harangue et nous inclut dans la bande son. Il y a un peu de nostalgie là dedans, cependant elle est rapidement chassée par la vivacité des images évoquées. L’histoire n’est pas close, elle s’étire juste, elle nous éloigne du point de départ. Et en l’occurrence – si loin dans le centre du Portugal – ce point de départ à tout d’un message œcuménique. Ce genre de message que l’art contemporain et les centres qui le cultive tel des champignonnières a la magie de faire oublier la faïence et les pâtisseries.