L’hybridation des images est une solution rabâchée dans l’art contemporain. Il est plus rare de les voir être décomposées. Éva Nielsen s’y applique avec justesse. L’occasion nous est donnée d’en faire le constat à la Galerie Dominique Fiat.

L’artiste procède comme pour un collage, elle découpe et assemble. Mais ici, l’étrangeté naît du fait que les images soient ré-assemblées de la même manière qu’elles l’étaient initialement. Il n’y a pas de décalage ni d’association nouvelle. Un élément est enlevé puis il est réintroduit à sa place. Sauf que ceux-ci sont imprimés bord à bord avec l’image peinte. Le pinceau et la sérigraphie se partagent la surface de la toile selon des frontières tirées au cordeau. Éva Nielsen ne mêle pas, mais elle emboîte, ajuste, et fait se chevaucher comme pour un tangram complexe.

En s’approchant des peintures on est d’abord attiré par la douceur des ciels, leur onctuosité, et leur continuum aoûté. L’environnement que dépeint l’artiste est à la limite du romantisme, ces paysages sont vides de présence humaine, la nature n’y offre aucune douceur, aucune aspérité qui viendrait fraterniser avec l’œil. Et au milieu de ces décors, occupant presque tout l’espace, se trouvent dressés des édifices sérigraphiés en noir sur la toile blanche. Quasiment sans matière, sans épaisseur, ils viennent contredire tout le travail qui les entoure. Le plus souvent ces constructions solitaires et fantomatiques ont un usage agricole. On trouve entre autres, un silo, un château d’eau, une baraque à fourrage, tous ont des airs de tours de Babel abandonnées. Il aurait suffit que l’artiste peigne dessus pour que l’on n’imagine même pas qu’elles puissent avoir existées. Mais elles sont là, épargnées, leurs dessins et leur présence soudainement mis en lumière.

Il y a une évidence dans ces tableaux, et en même temps l’artiste a dû les appuyer pour qu’elles existent. Ces évidences de la forme, et de la planéité que produit le regard, et qui permet de tout rapporter à une surface sur laquelle il se répand. Ce plaisir de la structure des choses mise en face de leur charge symbolique. C’est tout cela qu’Éva Nielsen met dans sa peinture.