On trouve trois types d’œuvres dans l’exposition de Benjamin Renoux aux Salaisons. Toutes oscillent autour de la photographie, avec des tensions, parfois vers la peinture, parfois vers la sculpture. À chaque fois la photographie est là pour accuser la possibilité des situations que l’artiste met en œuvre. Mais l’ajout des gestes de la peinture et de la sculpture viennent effacer l’aspect clinique et mécanique du médium photographique. Les œuvres de l’artiste ont cette dualité entre vraisemblance optique et immédiateté tactile.

Les murs de la première salle sont tous occupés par la série Reading Xanax. Ce sont des impressions sur toile reprises à l’huile. On y voit un homme attablé, en marcel, crâne rasé, tenant du bout des doigts une feuille de papier dépliée. Il la contemple négligemment, presque distraitement, mais son regard est fixe, bloqué face à lui. D’une œuvre à l’autre, la scène est répétée avec quelques nuances, mais toujours avec la même indécision. Sur la feuille on devine la notice du traitement qui prête son nom à l’ensemble. L’irrésolution est palpable, et quelque part entre la solution chimique et le souffre qui accompagne son nom, le visiteur n’a d’autre choix que d’allonger le pas, ou de se mettre à douter, lui aussi.

Le couloir qui mène à la seconde salle est plein de petites œuvres – à peine la taille d’une carte postale -, du même type que les précédentes, elle associent photographie et peinture. Les Crowd sont faites à partir de vues surplombant des rassemblements de personnes. Certaines sont mises en lumière. On les distingue tel des flashs, tel ces brefs souvenirs de fêtes ou de concerts qui ne laissent pas oublier, et qui restent à jamais figés dans l’anonymat.

Dans la grande salle claire et lumineuse qui succède, l’artiste a disposé de grands tirages photos. Des visages très nets, cadrés comme sur les pièces d’identité, d’ailleurs elles sont rassemblées et numérotés sous le titre d’ID. La surface de ces photographies est agressée par de grosses masses noires, grasses et purulentes, jetées contre leurs surfaces. On croit tout d’abord à un jeu de massacre, mais à bien y regarder, ces amas sont recouverts du même vernis que les photos. Ils ne viennent pas de l’extérieur, ce sont des tumeurs, des excroissances qui sont le corps même de l’image que l’on contemple.

Ailleurs dans l’exposition sont disposés plusieurs cubes de béton gris et granuleux. D’une de leurs faces, une photographie sort perpendiculairement, mais jamais totalement. Dans Cube#1 seuls les genoux d’un homme sont visibles, et dans Sans titre (1969<t<+∞) seuls les yeux et le front le sont. Le reste n’existe pas, ou alors il a été coulé.

Ainsi, les photographies ne sont plus des surfaces neutres, elles ont été éprouvées, farfouillées, augmentées de ce qu’usuellement elles désignent sans jamais toucher. Benjamin Renoux montre, mais il nous invite aussi à penser la peau des œuvres, celle-là même qui s’empare des images et restitue leur promiscuité physique.