Voir une exposition sur Fra Angelico demande soit de grosses connaissances en histoire de l’art, soit de s’oublier un peu et de profiter du spectacle. C’est la seconde option qui a été retenue ici.

L’artiste est connu pour associer christianisme paradisiaque et finesse d’orfèvrerie. Il construit des tableaux ou des moines poupons et des vierges majestueuses sont rangés dans des architectures arides et géométriques. Fra Angelico les dispose au centre de modules architectoniques, qui sont autant d’églises, de trônes et de barques, ordonnant la vie silencieuse de ces paysages de tétris liturgiques. Cela est fait avec un constant souci d’équilibre entre la douceur des coloris, les passages acides et des fonds dorés – éblouissant au sens propre comme au figuré. Tous œuvrent à souligner la tragédie des martyres qui meurent et se sanctifient tableau après tableau. Ici l’or est partout, ça brille tellement que ça pique les yeux, mais au-delà les teintes rouges sous-jacentes magnifient ses reflets et lui donnent une chaleur irréelle.

Pour autant le travail de l’artiste n’est pas distant, tout au contraire. Ces tableaux sont souvent un délice pour ceux qui aime voir. À ce titre Thebaide a un petit air de « Où est Charlie ». L’hagiographie est une science que la rigueur de l’artiste alliée aux siècles écoulés a muée en un comique de situation particulièrement efficace pour peu que l’on desserre les dents.

Les salles se succèdent pour mener à l’avant dernière, celle des Madones. Elles sont toutes différentes, toutes avec leurs postures propres. L’une d’elle tient un enfant mou comme un poupon de cire, une autre a le visage rempli de tendresse, ailleurs de méfiance. Mais la plus amusante est la Madone de Cedri. Elle et l’Enfant Jésus qu’elle tient dans ses bras ont l’air d’avoir mangé une huître pas fraîche. Tous commentaires savants exceptés la teinte verdâtre de leur peau, leurs regards bas et leurs paupières lourdes laissent penser que tôt ou tard ils rendront leur déjeuner. Évidement si on se renseigne un instant on apprend qu’il en est rien. Mais parfois l’ignorance est plus amusante.

Dans la dernière salle le Christ de pitié achève de nous convaincre de la piété de l’artiste. S’il n’y avait pas tant de monde on verserait une larme.