L’attribution du Prix Marcel Duchamp offre presque toujours à ses lauréats l’occasion d’organiser une exposition consensuelle. Une sorte de confirmation de l’évidence de leur travail. Cyprien Gaillard qui ne manie hiératisme et cynisme y a vu l’opportunité d’organiser la procession de ses visiteurs. Pour cela il use d’une scénographie fonctionnant sous le modèle de la visite d’églises. On entre par une porte et on longe le mur par les bas-côtés, une fois arrivé au fond on emprunte le déambulatoire, puis l’on ressort par l’autre porte après avoir parcouru la nef. Tout cela sans avoir mis les pieds dans l’espace réservé aux fidèles.

Le centre de la salle d’exposition est justement occupé par les Structures péruviennes, qui ne vont pas sans rappeler l’agencement des rangs de bancs d’églises. Ce sont des présentoirs tubulaires en métal peint ayant été conçu pour y disposer des jantes de voiture. L’artiste n’en fait rien, il les prend, ce sont des totems, ses totems.

Tout autour, sont alignés en un très beau chemin de croix les Les analogies géographiques. Pour ces œuvres l’artiste photographie au polaroid tout un tas d’objets qui reviennent de manière plus ou moins récurrente au gré de ses voyages. Il les associe par neuf et les dispose en losange dans des vitrines séparées. Il n’y a jamais de présence humaine, mais l’on retrouve des morceaux d’architectures, des grottes et des végétaux, des cactées et des cyprès, de la grisaille urbaine, beaucoup d’urbanisme. L’artiste est toujours seul face à ce qu’il voit. Et comme pour le tirage des tarots de Marseille les rapprochements qu’il effectue n’engagent que sa personne, mais il l’engage entièrement.

L’entrée entoure la première œuvre de l’exposition. UR, underground resistance and urban renewal qui est constituée de deux grands panneaux, l’un de marbre et l’autre de verre. Chacun marqué d’une lettre blanche, U et R, qui forment une syllabe dont le titre déroule un peu le fil des consonances possibles. C’est une œuvre brute nappée de références pour les amateurs de madeleines et de kabbales soviétiques.

En fait tout chez Cyprien Gaillard invoque le poids des rapports sociaux, celui des blocs idéologiques et architecturaux, mais en même temps, tout peut être rapporté à des histoires de compositions. L’œuvre de l’artiste est une grille – rigide et articulée. Le monde devient alors un Puissance 4 géant que nous actionnons du regard.