Coincée entre la rue et les barres, la galerie de Noisy-le-Sec accueille l’Italienne Meris Angioletti et son travail sur le langage. Dans ces œuvres rien n’est tacite, et c’est peu dire que l’on bute constamment sur les soulèvements que l’artiste effectue. Les langues, parlées ou inventés, la communication souvent brouillée, quand elle n’est pas tout simplement médiumnique, mettent tout en œuvre nous décaler le fond vers la forme. Fatalement on tombe dans l’incompréhension. Mais ce n’est qu’un premier degré d’incompréhension, puisque l’enjeu réel de ces travaux se situe en dessous. Dans la gymnastique magique qui lie le sens aux choses.

L’une des première œuvres que l’on aperçoit est une édition de Finnegans Wake de Joyce. Elle est mise à disposition, ouverte, mais quasiment illisible. Pour cause le texte à été imprimée dans les deux sens de l’ouvrage. Les mots se chevauchent pour ne laisser apparaître que quelques bribes de phrases quand les lacunes du coté pile rencontrent celles du coté face. Les trous d’un sens de lecture font apparaître les seuls mots disponibles de l’autre et vice et versa. Résumé à si peu, l’ouvrage réputé difficile semble décrypté, enfin abordable.

The curious and the talkers est une vidéo fixe surmontée du souvenir retranscrit des conversations entre l’artiste et Ingo Swann. Face à nous trois plans de lumière, Rouge, vert et bleu créent un espace blanc. Le dialogue est engagé sur le recoupement entre science, spiritisme et création. D’un côté l’artiste, de l’autre le créateur d’une méthode de vision à distance. L’échange est tout à fait sérieux, la lumière et ses effets sont au centre des préoccupations. Le spectateur, lui, a vite fait de penser charlatanisme, mais se laisse tout de même hypnotisé par l’écran qui lui fait face.

Dans la vidéo 14 15 92 […] 93 75 10 ce sont aussi les passages d’un langage à un autre qui sont en jeu. L’artiste fait passer Π d’un code au suivant, elle le transporte de l’écrit à la mémoire en passant par le chorégraphié. Il en résulte une danse dans laquelle la circulation entre les sens devient la matière du langage.

Une dernière œuvre appelle les visiteurs au sous-sol du centre d’art. En descendant les escalier on commence à entendre des voix psalmodier. Elles chuchotent, déclament et se répètent en cœur, on ne comprend rien, et personne ne comprend rien, car Coro a été écrit à partir de fragments de langues imaginaires. Pourtant ces voix transforment l’endroit et réveillent nos fantasmes sur celui-ci, de simple sous-sol il devient cave, crypte, cellules voûtées dont on observe la faïence et les lézardes comme si elles se mettaient à parler elles aussi.