La Galerie Yvon Lambert met côte à côte deux artistes, Candida Höfer et Vincent Ganivet. L’une occupe les murs, l’autre l’espace. Cela pourrait être une quelconque juxtaposition, mais la rencontre de ces œuvres si dissemblables crée une atmosphère singulière, quelque peu désagréable. À tel point que désorienté on finit par sortir, s’assoir, et comprendre : l’équilibre.

Tout d’abord les photographies de l’Allemande. On les connaît ; ce sont des archives, des musées, des institutions, toutes sortes d’institutions, et surtout de vieilles. Ces images on les a vues et revues, pourtant c’est sans importance. Les séries de l’artiste s’étirent tant qu’elles disparaissent ; ne reste alors plus que la composition, l’architecture que l’on peut résumer à quelques lignes, à quelques teintes. Parfois on reconnaît le lieu, mais le souvenir ne parvient pas à cannibaliser l’image. Ces photographies sont bien trop monolithiques, trop rabâchées pour verser dans le sentimentalisme. Les unes à coté des autres, elles forment un mur sur lequel des reliefs viennent se creuser, en parfait équilibre avec la verticalité de celui-ci.

Face à elles, les sculptures de Vincent Ganivet. La première que l’on rencontre est une colonne torsadée faite de briques et de petites cales en bois. Elle s’élève à hauteur d’homme, sa forme fait penser à un socle mais les espaces qui séparent chaque brique nous rappellent que rien ne peut être posé dessus. Le travail est massif tout autant qu’il est fragile.

On retrouve cette tension dans le reste du travail de l’artiste, les trois « Fontaine » en sont un bon exemple. Chacune consiste en un évier dont le robinet ouvert coule sans discontinuer sur une vaisselle qu’il contient. Rien n’indique qu’elle n’ait été salie, mais après quelques jours d’exposition elle est plus propre que propre. Au centre, l’eau se déverse sur le cul d’un verre retourné formant ainsi une corolle tout autour. Du moins c’est ce que l’on suppose, puisque dans deux des trois fontaines les verres ont dû légèrement bouger de sorte que l’effet disparaît. Reste à voir si quelqu’un viendra les replacer ou si l’œuvre, cassée, est vouée à le rester jusqu’à sa prochaine exposition.

Dans la seconde salle Vincent Ganivet a introduit ce qui ressemble à une très grosse araignée. Les cinq jambes grises et vrillées sont formées par une succession de parpaings de cales et de vide. Un subtile équilibre, dont on nous prévient : il peut céder – c’est déjà arrivé.