L’exposition compose un petit tour d’horizon des usages du papier dans l’art occidental, du XVe à aujourd’hui. L’entreprise est sponsorisée par Canson tout auréolé d’une histoire presque aussi vieille que les plus anciennes feuilles présentées ici. Il est donc question que de papiers autant que de dessin, du rapport de fragilité entre le support et le médium ; le combat de David contre David aimerait-on dire.

C’est tout d’abord la préparation rose d’une feuille de l’entourage de Botticelli qui attire l’attention du visiteur, l’éclat de celle-ci n’a rien à envier celui que mettra en avant Yves Klein bien des siècles plus tard. Cette double étude recueille deux dessins gouachés de blanc dont on oublie rapidement le contenu tant les traces nacrées laissées sur le papier sont captivantes. Suivent, pour comparaison, les dessins de Degas et de Robert Barry, sur fond rose eux aussi. Et dans un coin, le Nu bleu IV de Matisse. Le bleu est autre couleur fétiche des dessinateurs, on la retrouve notamment sous les traits de Lavinia Fontana qui signe une Naissance de la Vierge dont la gamme chromatique initiale du papier est étirée vers des tonalités très sombres et métalliques, comme si la feuille avait été trempée dans de l’essence.

Ainsi, l’exposition donne une grande place aux expérimentations permises par le support. C’est le lieu de nombreuses tentatives graphiques. Bien que souvent guère plus grand qu’un format A3, cet espace de liberté permet de réunir les arabesques de Simon Hantaï et celles de Lucas Cranach sans réel anachronisme. De ce dernier on découvre la maquette découpé pour un polyptyque dont les volets dépliés annoncent les tressages de François Rouan.

L’accrochage fait donc la part belle aux papiers découpés,  nombreux sont les exemples, Picasso, Braque et Schwitters en tête. Mais la chose n’appartient pas qu’aux modernes, outre Cranach précédemment cité, Jean-Frederic Oberlin fabrique au 18e siècle des silhouettes qu’il découpe adresse  à l’effigie de ses modèles. Le procédé est sommaire, mais il est amusant de constater que Kara Walker fait à peine plus aujourd’hui.

Dans le troisième espace on trouve pêle-mêle : des papiers déchirés par mégarde et d’autre sciemment, des feuilles jaunies ou gorgées de couleurs, et toutes formes de tentatives pour dire plus que ce que le matériau peu recueillir. La visite s’achève sur une très belle Combustion de Christian Jaccard. Sorte de bravade à la fragilité du support.