La Galerie Backslash présente les photographies de l’artiste danoise Astrid Kruse Jensen. Celles-ci sont exclusivement prises dans l’obscurité. Que ce soit au milieu de la nuit, à sa la tombée ou au petit matin, l’artiste travaille en plein air et construit des micros moments nocturnes qui oscillent entre vraisemblance et reconstitution.

Ces paysages se caractérisent par les bleus profonds qui les remplissent et dont les reflets métalliques se mêlent aux brillances du verre qui les recouvre. À l’intérieur, une seule source lumineuse éclaire la scène, cela peut être la lune, un lampadaire, ou une fenêtre. Parfois l’éclairage est hors champ mais irradie intensément les objets les plus proches, on pense alors aux phares d’une voiture. Dans certains cas la lumière indique que sa source se trouve à la place du spectateur, qui étrangement se voit convié dans la narration construite par l’artiste. On ne s’en rend pas immédiatement compte, mais d’une manière générale le mélange de nuit profonde et de lumière brute éveillent des réminiscences de sorties de villes, de dernière route avant la forêt qui résonnent profondément en nous.

Il arrive qu’une personne soit présente au milieu de la scène. À chaque fois c’est une femme, elle marche ou se tient immobile, debout dans le noir. Presque toutes regardent au sol ; de fait on ne distingue que rarement leurs traits. Là encore on croit se souvenir de ces silhouettes, ces femmes en rouges ont toutes un air de déjà vu. Quelque part, à la campagne en été. Mais l’artiste n’en donne pas plus.

À l’étage une balançoire pour deux personnes est suspendue au plafond. On la retrouve dans la photo qui lui fait face. Elle indique par sa matérialité la probabilité du déroulement des scènes photographiées. Et en même temps cette dernière n’en est pas une : un peu trop grande, penchée et clairement bricolée, alors que sur les photos on trouve le type même de celles que l’on peut acheter en grande surface. Ainsi l’artiste importe le doute propre à ses photographies dans l’espace de la galerie. Si la balançoire était un sofa on croirait presque à une séance d’analyse ; que s’est il passé dans ces photographies ? En quoi ces paysages sont les indices de leur propre véracité ? Là encore l’artiste ne dit rien de plus.

L’exposition comporte aussi une vidéo, cinq femmes en rouge se passent une balle d’un geste qui fait penser à un jeu d’enfant. La balle de la même couleur que leurs robes va de l’une à l’autre sans jamais emprunter le même chemin. Le jeu n’est pas hypnotique mais nous captive par le miroir qu’il nous tend.