L’exposition estivale de la galerie Bertrand Grimont est l’occasion de regrouper douze artistes  autour de leurs rapports à la représentation du corps. Body no / body n’est pas pour autant construite comme une récitation anatomique, au contraire les travaux présentés s’écartent souvent du rapport frontal avec la chair pour aborder le corps de l’intérieur.

Le premier espace de la galerie s’ouvre par une vidéo de Jennifer Douzenel, Vol,  qui montre deux passereaux, l’un vif et sautillant, l’autre livide, probablement mort. Les deux oiseaux semblent batailler, cela relève presque d’un jeu d’enfant. Pourtant seul l’un d’entre-eux est actif, le corps de l’autre ne s’anime que sous les coups de bec et les ruades de son compagnon.

Face à eux sont disposées quatre peintures de cadavres. La vie à deux est une série de Benjamin Renoux où il reprend à son compte la filiation multiséculaire de la mise au tombeau du Christ. Les hommes allongés sont représentés vus par les pieds recréant le fameux raccourci de Mantegna. Mais ici les tableaux sont accrochés sur le mur légèrement trop haut, juste assez pour que le visiteur ait le sentiment d’ouvrir les tiroirs d’une morgue.

Le sous sol de la galerie est plongé dans une semi obscurité. On y voit tout d’abord la tête naturalisée de cerf de Julien Salaud : Constellation du cerf, (harpe). Celle-ci est enfoncée de clous reliés entre eux par un réseau de fils blancs qu’une lumière UV rend fluorescents. Le système tient autant des fétiches africains que de soirées en boite de nuit.

On accède en suite à la salle de projection de l’exposition. Plusieurs vidéos se suivent et enchaînent les humeurs formant un ressac captivant. S’y trouve L-INK de Lydie Jean-dit-Pannel, l’œuvre consiste en un travelling au-dessus de poings et des avants bras tendus en quinconce. Les membres alignés défilent comme pour une parade, tous tatoués et soigneusement rangés en une collection de symboles sans visage.

La vidéo Chrysalide de Patrick Bernatchez se situe au milieu d’un parking souterrain tout ce qu’il y a de plus anodin. Dans sa voiture, un homme ouvre son paquet de cigarette et en allume une. Pendant ce temps l’habitacle de sa voiture commence à se remplir d’eau. Progressivement, presque lentement, l’eau monte le long des jambes de l’homme assis qui fini sa cigarette. À mesure que le niveau augmente les restes de la vie de cet homme se mettent à flotter autour de lui, ils surnagent et dansent au milieu du flux créant une vie aquatique poétique. On voit le visage de cet homme se crisper, son corps se tendre, la vidéo paraît durer une éternité ; sans que l’on s’en soit rendu compte le notre en a fait autant. En remontant les marches menant à la lumière extérieure ce sont nos muscles qu’il nous faut dénouer. Le corps dont il est question ici est autant le notre que celui de cet anonyme.