L’exposition How to work (more for) less est conçue comme une suite à elle-même, un pur produit de commissariat. Le projet est ambitieux : il consiste à reprendre les œuvres d’une précédente programmation, à demander aux artistes de les modifier sensiblement, et de réinviter les spectateurs. La gymnastique devient encore plus difficile du moment que l’on ne voit qu’un seul des deux volets ; reste cependant les œuvres.

La première que l’on croise donne la tonalité à l’ensemble. What I learned I no longer know ; the little O still know, I guessed de Pratchaya Phinthong est une pile de billets de banque, de la monnaie de singe probablement. Elle s’apparente à la fois une sculpture minimaliste, et en même temps à un socle. Libre à chacun de choisir ce qu’il veut y faire reposer. Dans cette même salle, Prelude to an Afternoon de Juliette Blightman est constituée d’une lampe de bureau allumée sur une grande feuille à dessin presque vide, comme laissé en cours d’exécution. On distingue dans un coin l’esquisse d’une lampe et d’une plante, l’ensemble est en suspend. La mise en abîme ainsi crée est un peu vaine, mais elle invite à se poser la question de l’exposition quant aux limites du travail.

La troisième salle documente le parcours de l’artiste cubain Adrian Melis qui se voyage en Europe sans papiers. Tourism without documents : From Barcelona to Basel fait œuvre de ses déplacements, durant lesquels le risque d’être appréhendé par les douanes et la police est considérablement accru. L’artiste est à la fois enfermé par les processus bureaucratiques, et complètement libre de ses mouvements, puisque rien ne peut le retenir nulle part.

L’exposition est entièrement constituée de petites actions de ce type. L’institution les décrit dans un livret mis à la disposition des visiteurs en mal de compréhension. Ceci a parfois pour conséquence d’enfermer les travaux présentés dans des déclinaisons du titre de l’exposition, mais ne manque pas de souligner que quelque soit la formule des processus, le résultat suppose que l’on s’y réfère.

L’une des œuvres les plus didactiques, et en même temps des plus percutantes est Players de Pilvi Takala. Cette vidéo décrit la vie de joueurs de poker ayant choisi de séjourner en Thaïlande. Sur place leur existence est décrite avec détails sur un ton monocorde. Ils vivent la vie chère, inutile et amusante que peut leur procurer le pays. Pourtant cette énumération d’excentricités luxueuses ne fait que nous plonger dans l’ennui des plaisirs d’hôtel, celui du fun préfabriqué, et de l’épaisse mélasse qui engloutit les journées de ces jeunes gens.

Dans la dernière salle, Pamela Rosenkranz reprend et inverse les anthropométries de Klein remplaçant la peinture par du maquillage et des cosmétiques appliqués sur des tissus synthétiques tendu à même les murs. Ici les femmes se débarrassent des couleurs qui les travestissent, elles reprennent le control de la performance en souillant le tissus. Ces demi-appropriations sont suivies par le film d’Adrian Melis «  The making of forty rectangular pieces for a floor construction ». Qui montre une usine désaffectée, vidée, rouillée de toutes parts. Les images mettent en avant la disparation du travail dans ce lieu. L’artiste intervient en réalisant des bruitages qui redonnent vie au fond sonore de l’usine. Il prend alors la place de l’ultime ouvrier. Celui dont le travail forme un écho à tout ce qui l’a précédé.