Olivier Mosset aime à s’entourer d’artistes et de confrères lors de ses expositions. On l’a ainsi souvent vu accompagné de semblables mais aussi d’opposés. Pour cette proposition qu’il fait à la galerie Les filles du calvaire, le vieux filou a invité une jeune artiste, Paz Corona à prendre place à ses côtés.

Mais quelle place ? Mosset, qui expose de très grands monochromes, semble absent au premier coup d’œil. Ses œuvres, d’une couleur proche de celle des murs qu’elles remplissent presque entièrement, ne sont perceptibles que par leurs épaisseurs et la rugosité de leur traitement. Pour peu, on croirait qu’il s’agit de revêtements muraux ou de chauffages. Dans les faits, les portraits de Paz Corona occupent les murs restants. Deux de ses peintures au rez-de-chaussée, idem ou presque à l’étage, viennent s’intercaler dans l’univers de Placoplatre que construit le travail de son hôte. Mais bien que vivement colorées, elles peinent à remplir un espace qu’elles ne font que ponctuer. Ici elles apparaissent esseulées et engoncées, d’autant que les visages figurés dans une matière mâte et légèrement rehaussée d’empâtement sont vides. « Une peinture sans qualité » nous dit-on pour nous rassurer.

Ainsi accrochées ces lacunes deviennent omniprésentes, car elles font écho au vide et au creux qui remplissent totalement l’exposition, au point que tous finissent par s’imposer comme la matière même de celle-ci. D’ailleurs, les œuvres de Mosset n’en pâtissent pas, c’est lui le grand ordonnateur de cette lourdeur. Ce sont ses peintures qui bétonnent l’espace, ses peintures qui lestent le travail de Corona et les pointent du doigt. En retour, Corona lui jette à la figure la médiocrité des siennes, dont la sécheresse et la pauvreté moquent l’uniformité lactée des mastodontes beige de Mosset.

Ce qui est encore plus troublant est le sentiment grandissant en visitant l’exposition, que l’un et l’autre se tirent délibérément vers le bas. Olivier Mosset est lourd et Paz Corona est faible. Mais comme leurs peintures sont à ce point dissemblables, la lutte mole et indigeste qu’elles s’opposent ne peut nous empêcher de sourire. Mosset l’avait bien compris en organisant ce face à face, la somme des deux travaux ne donnerait pas de plus-value qualitative mais déclencherait un fabuleux effondrement.

D’ailleurs tout cela pourrait fort bien n’être qu’une farce, et ce combat d’estropiés le lieu d’une seule œuvre. On pense alors à celle de John Armleder que ce cannibale de Mosset invite sans le citer.