Le quatrième homme de l’affaire Monumenta est britannique et bien déterminé à en découdre avec la nef du Grand Palais. Anish Kapoor, qui n’a jamais eu peur ni des espaces difficiles ni des défis grandiloquents, a installé ses couleurs et sa vision de la chose avec l’aplomb qui sied à ce type d’événement. Une idée simple qui répond directement à la question qu’il préfère et qui est aussi celle posée par le lieu : l’espace ?

L’œuvre s’appréhende en deux temps. Il y a tout d’abord le coté pile, celui dans lequel on entre. La tension est palpable au moment où l’on pousse les portes du tambour qui donne accès à la bête. Une fois dedans les promesses sont tenues. Il y fait moite et tiède, la matière plastique des parois exhale bruits et odeurs, la lumière est partout, on ne voit qu’elle, et chacun retient un instant son souffle. L’expérience sensorielle attendue et préparée par une campagne de communication efficacement ciblée offre un moment unique durant lequel le Grand Palais se contracte à notre échelle.

Coté face l’effet retombe, ce n’est pas dans l’intimité ni dans le cœur de l’animal légendaire que nous sommes entrés mais dans un rognon, en un mot une vessie. Pis, alors même que l’on voit enfin l’appendice tel qu’il est, on comprend que objet est gonflé. C’est une chimère de plage géante que l’artiste a rempli d’air, ce même air que l’on a respiré à l’intérieur. Rien ne sert de s’essuyer la bouche, le souffle de l’artiste gonflant la baudruche est dans nos poumons, la moiteur de ses postillons avec.

L’œuvre fonctionne par un double effet, le charme suivit de la désillusion. À la surprise et à la satisfaction du premier moment est accolée le prosaïsme de l’objet bien fait. En y pensant on comprend à quel point Anish Kapoor est coutumier du fait. Ses œuvres ont souvent un envers et il ne rate que rarement l’occasion de nous le montrer. Sauf que si on a l’habitude d’ignorer le revers de ses miroirs, cette fois-ci on ne peut pas feindre de ne pas voir le cul de la chose.