La galerie Karsten Greve, qui n’a jamais été avare en grands artistes mais qui peine un peu à se renouveler, a décidé de sortir l’artillerie lourde de ses réserves ; du lourd, et même du moderne ! Le prétexte donne à voir un face à face Brassaï/Dubuffet là où les deux artistes se rejoignent en ce qu’ils ont pu avoir de plus compulsif, de plus terreux et de plus minéral : le Graffiti.

L’exposition est composée d’une galerie de têtes. Il y a celles gravées à même les murs que le photographe reprend en noir et blanc, en alternance avec celles que l’artiste trace et racle sur le papier. Les unes et les autres se mêlent de manière presque imperceptible, il faut parfois s’approcher pour les différencier. Celles du photographe sont souvent plus grimaçantes quand elles ne sont pas tout simplement amusantes. De l’amour à la mort, la plupart des séries sont représentées dans l’exposition. Le peintre, lui, s’attache à rendre le grain des surfaces, et leur insuffle un petit vent aléatoire plus vrai que spontané.

Dans une seconde partie on peut voir Les murs, poèmes d’Eugène Guillevic illustrés en 1945 par Dubuffet. Mais les illustrations imprimées éloignent les mots de leurs réalités tactiles, le papier est trop doux pour transmettre le crépi et les gravas. Dans la même partie de la galerie sont exposées les photos corrigées et raturées de Brassaï. Là encore les formes alanguies, que l’on devine sous les coups de crayon, se détournent de la rugosité des graffitis. Cependant, quelques corps féminins sont introduits dans ce dialogue où ne semblaient être admis que les têtes, les créatures hybrides et les hommes.

Il n’en demeure pas moins que l’ensemble est fort, formant un camaïeu de gris et de bruns, les œuvres associées des deux artistes troublent par l’acuité de leurs obsessions.