La face du Christ, le sujet pourrait être clos depuis un moment. L’espace d’interprétation laissé entre le suaire de Turin et le voile de Véronique a beau ne pas être très vaste, il a l’avantage d’exister. Et pourtant, là où il y a de la liberté il y a toujours des questionnements. Le visage de dieu – fait homme – fait peinture a de quoi en préoccuper plus d’un. Rembrandt est de ceux-là, et cette exposition tente de retracer le cheminement de l’artiste à travers les multitudes de codes et d’interprétations.

À tout juste 20 ans, Rembrandt peint Les pèlerins d’Emmaüs. Dans cette première représentation, le Christ a le front haut et le visage plongé dans une lumière jaune, intense et lourde. On perçoit surtout un geste, une tête qui se cabre dans un élan mystique. De là, l’artiste va tout au long de sa vie chercher la figure du christ, ses traits et son humanité.

L’une des premières et plus importantes tentatives est un Christ en croix de taille modeste où Rembrandt montre un homme simple, plutôt petit, douloureux sans être beau, au torse maigre et aux bras faibles. On le voit pousser un râle lent et pénible, il meurt une première fois. Ce premier coup de force, à l’opposé de la dignité usuelle dans laquelle étaient pongées les représentations du Christ mourant, est l’occasion d’entamer un tour d’horizon, de parallèles et d’oppositions avec d’autres artistes face à la même question. Sont mis à contribution : Jan Lievens, Dürer, Martin Schongauer, Rogier Van der Weyden, Mantegna, Lucas de Leyde… et quelques autres.

Tous dépeignent l’homme, tous nous montrent ses côtes, ses paupières et ses lèvres, mais chacun lui donne une vie propre. Parfois exagéré, presque surhumain, mais aussi parfois tellement trivial, lourdaud. À eux Rembrandt répond par des Christs affables, joviaux, graves ou imprégnés. La palette des expressions s’élargit considérablement, mais surtout leur mélange se fait plus subtil.

L’exposition s’achève sur la grande question que pose l’artiste: comment le Christ peut-il être peint d’après nature ? Les portraits se mêlent alors aux scènes bibliques. Ce sont surtout des hommes que l’on y voit ; mais Rembrandt réussit le tour de force de leur donner à tous le poids de l’incarnation.

Au final reste une seule constante, la chevelure du Christ. Personne n’a jusque là pris le parti de la lui couper. Probablement par prudence, le souvenir de Samson est aussi biblique.