C’est un accrochage assez inhabituel qui accueille le visiteur de l’exposition Douglas Gordon à la galerie Yvon Lambert. Dès le vestibule l’espace est soigneusement rempli de photos de toutes tailles, du sol au plafond. Et à première vue, pas de vidéo.

Qu’il y a-t-il dans ses images ? Sa femme, son bébé, ses steaks et ses voyages, des gros plans de débauche et de fruits mûrs, presque tout fait penser que l’artiste a réussi ses photos de vacances. On y voit aussi : quelques traces d’installations et de montages passés, l’artiste travailler en s’amusant. L’accrochage est impeccable et parfaitement ordonné, cependant les tirages sont fixés au gros scotch dans les cadres ce qui donne à l’ensemble un aspect fébrile, et dément la nonchalance du déversement d’intimité qu’ils contiennent.

La photographie a cette capacité à créer du souvenir et nous pousse à y rendre grâce. Douglas Gordon qui a déjà tant derrière lui y plonge avec plaisir. Il accumule dans cette œuvre – qui cela dit, n’est pas vendue d’un seul bloc – tout ce qu’il faut d’images pour édifier une belle chapelle d’ex-voto. L’artiste introduit tout de même un léger trouble en plaçant au fond de la salle un grand miroir qui dédouble l’espace. Conséquence de quoi, au moins la moitié de ce que nous voyons n’est qu’illusion.

Dans le second espace la mise en scène et encore plus poignante. Les cendres d’un piano brulé sont déposés au pied d’un piano neuf et placé devant un très grand écran où est projeté un œil noir. L’œil ne nous regarde pas vraiment, il bouge lentement et articule des mimiques accompagnant la bande son pour laquelle l’installation a été créée. En effet Phantom est issu de la collaboration entre Douglas Gordon et le chanteur Rufus Wainwright.

Le tout est plongé dans le noir, et ici encore prolongé par le reflet d’un miroir placé dans l’un des angles de la pièce. L’œuvre pourrait s’arrêter là mais la musique et la projection finissent par s’arrêter. Dans un coin une vidéo se met en route et fait crépiter un brasier. Les cendres que l’on avait un peu oubliées, et prises pour un artifice sans grand intérêt, se retrouvent ici sous la lumière orangée du feu qui les ronge.