La galerie Gaudel de Stampa propose une exposition avec deux artistes ; en invite un qui prend l’autre avec lui, l’expose et utilise son travail en même temps qu’il construit une réflexion autour. Rien de simple.

Manuel Graf s’intéresse aux rapports interculturels, à la coexistence d’éléments dans différentes cultures, comment ce que l’on appelle parfois des échanges peuvent être à la fois parfaitement indifférents et en même temps structurer notre identité collective.

Pour cette exposition il décide de redoubler les échanges en incluant dans sa propre réflexion le travail de l’iranienne Mme Dogdo. L’artiste allemand s’empare donc d’une artiste non occidentale, qui s’est elle-même emparée d’une conception occidentale de l’art. Il ferme ainsi la boucle en retournant les références sur elles-mêmes. Mais nul ne sait vraiment quelles sont les importances de ces emprunts, il n’est pas dit qu’en utilisant un vocabulaire plastique inspiré du minimalisme américain, Mme Dogdo en ait embrassé l’idéologie ; pas plus que l’on puisse affirmer que Manuel Graf n’eut pas pu faire la même pièce avec d’authentiques artistes américains dont certains étaient originaire d’Europe de l’est.

Cela devient même irritant si l’on se prend d’intérêt pour les peintures de Mme Dogdo. Sans être des faire-valoir, on imagine très bien qu’elles auraient pu être remplacées par celles d’un autre artiste dans une situation similaire. La situation du visiteur devant ces images le met lui-même dans une position ambigüe. Celle d’un anthropologue observant des objets d’art pas à leurs place dans une galerie d’art. La primauté du geste perd sa signification, mais aussi sa rigidité, en même temps que l’on commence à dénouer le fil qui relie l’intervention de Manuel Graf aux questions qu’il pose à Mme Dogdo et donc à nous même. D’ailleurs son positionnement ne consiste pas seulement à s’emparer de ces œuvres, il les inclut dans un dispositif où lui-même introduit dans son travail des enregistrements de chants traditionnels Turcs, auxquels il adjoint deux photographies de la Forêt Noire dont il est originaire. Il en ressort un ensemble uni où les parcours des deux artistes n’aboutissent ni au multiculturalisme, ni à une quelconque hybridation.

L’artiste promet dans le titre de son exposition deux questions à Mme Dogdo, on n’en trouve nulle part les textes ni d’éventuelle réponse de l’intéressée. Est-ce à dire qu’elles n’ont pas encore été posées ?