Le second espace de la Galerie Templon discrètement niché au bout de l’impasse Beaubourg présente les dernières photographies de James Casebere. Ce travail est le fruit d’une longue préparation puisque l’artiste a créé en studio la maquette géante qui lui sert de support dans cette série. Elle est constituée de zones pavillonnaires aux maisons pastel et aux jardins parfaitement entretenus ; toutes savamment plantées le long de routes sinueuses simulant le bonheur de banlieue.

Ces images sont trop évidemment fabriquées pour revendiquer quelque tromperie, pourtant à les observer on croirait y être déjà allé, elles disent quelque chose de notre vie en société que de simples photos prises sur le motif n’auraient su souligner. En effet, ce qui est présent sous nos yeux n’est pas la réalité ni même une simple représentation de la réalité, mais le stéréotype parfait de la vie extra-muros. Ce que l’on y regarde est pétri de nos propres projections, de notre propre regard, on y pénètre comme dans un miroir. Quand nous observons ces images, ce qui nous met mal à l’aise n’est pas la simplicité avec laquelle on peut résumer les désirs préfabriqués de notre société de consommation, mais la sensation de nous observer nous-mêmes en train de les fabriquer. Sans n’avoir jamais vécu dans une de ces maisons, nous les connaissons si bien et elles représentent si parfaitement ce rêve américain imparfaitement partagé que nous y plongeons avec facilité, apportant avec nous tout ce qui nous y ferait plaisir.

En même temps, aucune vie ne semble troubler le bel ordonnancement de ces images. De temps en temps on devine des traces de passage, telles une fenêtre ouverte ou une tondeuse laissée sur le gazon. Nous passons d’une photo à l’autre sans croiser qui que ce soit. On a beau chercher, nous y sommes absolument seuls ; personne ne partage avec nous ce voyage aux pays des jolies couleurs, personne n’est là pour nous y accueillir. Cela ressemble à un de ces safaris durant lesquels on ne descend pas de voiture, une visite au muséum d’histoire naturelle sans autre spécimen que nous de l’autre côté de la cage.