Il est de coutume que le lauréat de la biennale de la jeune création soit invité à venir investir les espaces de la Graineterie à Houilles ; quinze minutes de RER dans les bons jours, encore autant à marcher jusqu’au centre d’art, pour combien de temps passé dans celui-ci ? C’est à chaque fois la surprise. Celle que nous réserve Julien Nédélec est plutôt bonne.

L’exposition s’ouvre sur une salle où l’artiste a associé plusieurs travaux œuvrant autour des mots, du silence qui les entoure, de leur espièglerie et de leur tromperie. Lettres muettes est l’inscription au mur d’un poème de Francis Ponge, mais il est illisible, seules les lettres que le français ne prononce pas ont été conservées par l’artiste, ce qui transforme la lecture en une suite d’aspirations, de silences et de pauses. L’exercice est un peu compliqué, il se termine le plus souvent bouche bée. Un peu à la manière dont nous ne déchiffrons pas Ce n’est pas ce que vous croyez, écrit en morse mais révélant son secret dans son titre. Au sol plusieurs piles de ramettes de papier sont agencées pour former la pyramide irrégulière et bleue de Stéréos-copies. Celle-ci est traversée de bandes blanches qui forment un cube quand on les observe sous le bon angle – l’image en boite d’une boite dans des boites.

À l’étage se trouve l’installation spécialement produite par Julien Nédélec pour cette exposition. Je ne peindrai jamais la chapelle des Scrovegni illustre la tentation de l’artiste de rejoindre un illustre prédécesseur. À l’instar de Giotto, il aurait bien aimé pouvoir tracer d’un trait un cercle parfait, il s’y est même essayé pendant des heures avant d’abandonner, remplissant au passage les murs de ses milliers de brouillons qui forment ensemble son renoncement[1].

La Graineterie qui dispose d’un sous-sol abrite pour la durée de l’exposition l’antre du Super-Héros de l’infini, le double fabuleux de Julien Nédélec. Chacun – après lui avoir rendu hommage – peut repartir chez lui avec le masque du Super-héros de l’infini… et se mêler aux oreilles de Mickey qui arrivent en sens inverse sur le RER A.

L’artiste qui ne recule pas devant la mondialisation et la mutualisation des compétences a eu l’idée d’organisé une sous exposition dans sa propre exposition. Une vingtaine de personnes de son entourage ont été conviées à Ne jamais remettre à demain ce que l’on peut faire à une seule ; entre elles l’artiste a tracé des liens qui une fois l’exposition terminée formeront une constellation affective.

En sortant, on repasse devant les Tactiques suisses de l’artiste, quatre cartes d’état-major piquées d’aiguilles formant les mots : colonne, carré, ligne et triangle. Là encore, le fond et la forme font de cette Peau de l’ours un substrat idéal pour ergoter avec bonne humeur sur les culs-de-sac formels que l’artiste s’amuse à nous tendre.


[1] L’histoire ne dit pas si Julien s’est amélioré entre le premier et le dernier cercle.