S’il est un artiste français dont on peut être certain de trouver des œuvres dans les musées et institutions hexagonaux c’est bien François Morellet. Au fil du temps il est devenu le fil rouge récurant de pratiquement toutes les collections publiques. Pas une visite sans que l’homme ne nous ait devancé. Le Centre Pompidou s’est pourtant décidé à en proposer une rétrospective. Et c’est sur les installations que l’attention se porte tout particulièrement.

Dès l’entrée de l’exposition le visiteur est mis en garde : Les caractéristiques visuelles de certaines installations peuvent présenter un risque pour les visiteurs souffrant d’épilepsie, il va en avoir plein les yeux. En effet, après être passé par Répartition aléatoire de 40000 carrés suivant les chiffres pairs et impaires d’un annuaire de téléphone, 50% blue, 50% red, on commence à avoir le tête qui tourne. Mais cette œuvre au titre à rallonge est surtout le tremplin vers une perception du réel inhabituelle, poétique et systématique. On y voit autant un clin d’œil aux mosaïques couvrant les sols des cafés parisiens qu’une déclinaison mathématique.

Partout dans l’exposition l’artiste nous pousse à percevoir le biais des choses, leur aspect formel et la beauté qui en émane. Parfois aussi il se moque un peu, La Joconde déformée n’a jamais semblé si amusée de nous sourire que lorsque Morellet la fait grimacer sous le souffle d’un ventilateur. Et nous ne l’avons peut être jamais autant observée que dans ce contexte. Il est aussi souvent question de jeux, 2 trames 45° – 135° de néons interférant est une œuvre sur laquelle on s’acharne avec frénésie. Elle est composée de deux manettes actionnant deux séries de motifs lumineux rouges sur un mur noir. C’est un système binaire : on allume – on éteint, puis on recommence et l’on combine ces deux actions ; un plaisir simple mais intense.

D’une manière générale on trouve des néons par dizaines, mais aussi du bois et des lignes. Morellet déploie leurs possibilités avec une grande richesse, et une fécondité fort éloignée de l’ascèse qu’inspire ces matériaux. Œuvre d’une grande pureté, Géométrie n’5 Arc de cercle complémentaires en est un excellent exemple qui consiste en un cercle formé là où se rejoignent un arc tracé au crayon, une branche d’arbre, et notre regard. De même, 4 angles droits composés de 2 poutres coupées d’onglet et de 2 lignes au mur est aussi long à lire qu’à regarder. Elle propose un équilibre entre le poids des gestes et celui des mots, au travers d’une mathématique troublante et belle.

Si la plupart de ces installations nous étonne par l’économie de leurs moyens, L’avalanche est grandiose autant que sobre. Ces 36 néons donnent un sentiment de panique et de pagaille alors même qu’ils sont suspendus à intervalles réguliers sur six lignes droites.

Pour finir, l’artiste nous démontre avec pudeur et élégance qu’il peut aussi entreprendre avec discrétion : Papier 2,5° – 92,5°, trou (carré) 0°- 90° est fait de presque rien, une feuille, un trou et, au mur, derrière, un autre trou. Il faut le voir pour le croire, et s’approcher pour avoir une chance de le voir.

L’exposition a le grand mérite de démontrer que l’expérience à la chaîne d’œuvres de Morellet est parfaitement agréable aux visiteurs. Si certains doutaient de leur capacité à ingurgiter du néon au kilomètre, les voilà rassurés.