La galerie Laurent Godin s’est laissé envahir par la mauvaise herbe. Sont en cause : pissenlits, bouraches, avoine et autres liserons, qui ont pris possession de chaque interstice disponible. Le photographe Philippe Durand procède à un recensement poétique de ces luttes entre le végétal et le béton.

Il règne dans cette exposition un véritable héliotropisme. Les images produites par l’artiste sont tellement lumineuses qu’elles semblent elles même attirées par la lumière, un peu comme le sont les végétaux qui les habitent. Partout la nature s’immisce et s’invite dans la construction des photographies, elle y apporte des verts francs qui structurent et rayent les compositions de celles-ci.

Pourtant une réelle sécheresse émane de ces images, les bétons sont blancs et les ciels lisses, partout un air d’été en fin de course articule le vert d’une végétation grasse et le gris mat de ces paysages d’après l’orage. On devine que les constructions et les rues, où ont été prises ces photos, sont fatiguées et peu entretenues, mais malgré cela, elles inspirent une réelle allégresse méridionale. Il y a quelque chose dans ces images de Chicago, qui fait penser aux serres des fermes agricoles varoises – sur le déclin mais baignées de soleil. Peut-être sont-ce les ombres très marquées par un soleil sans nuage, les fleurs qui poussent pour le seul plaisir d’être photographiées, la rouille qui contamine les métaux. Peu importe, c’est l’été indien dans ces images.

Le sous-sol de la galerie rassemble les clichés couverts de lianes. Ici les fils tissés par les buissons ont fini par se hisser en haut des piliers électriques et des poteaux de signalisation. Les tiges se mélangent alors aux câbles pour former des nœuds mi-électriques mi-chlorophylle. Les gaines de plastiques souples ne prennent pas ombrage du partage de leurs perchoirs, seuls peut-être les employés municipaux en charge de l’entretien du réseau, doivent pâtir d’un tel enchevêtrement.

L’artiste lui se contente de relever chacune de ces petites victoires de la nature, et porte sur elles le regard d’un photographe de nature morte, comme si ces herbes avaient été sciemment mises scène pour décorer un appartement bourgeois ou un jardinet de proche banlieue.