Qui connaît les œuvres de l’artiste allemand sait qu’il faut les voir. Qui les a vues sait que l’expérience est unique. Aujourd’hui la galerie Nelson-Freeman propose les photographies de  l’artiste. À venir les voir on se risque donc à un changement total de mode d’appréhension. On passe de l’immersion au face à face. Jusqu’alors on savait que se frotter aux travaux de l’artiste provoquait joyeusement de l’eczéma, mais qu’en est-il des photographies ?

Les plus anciennes prises de vues de l’exposition datent des années 90. Elles sont en noir et blanc, de petits formats et sont accrochées par paquet au rez-de-chaussée de la galerie. À l’étage les plus récentes sont en couleur. Certaines photographies montrent les œuvres telles qu’on peut les voir, certaines en montrent les coulisses. D’autres ont été prises dans l’atelier de l’artiste et révèlent le processus d’emmurement et de séquençage des espaces propres de ces travaux.

Il y a évidement dans ces images une part documentaire importante. Mais face à elles, on est étonné de voir à quel point remonte le ressenti que l’on a pu avoir in vivo, lorsqu’on les avait visitées. Les atmosphères de caves, de salle d’attente, de maisons miteuses et d’immeubles amiantés, réapparaissent dans nos esprits comme des flashs. On déambule autour de ces photos sans trop vouloir s’en approcher, comme une victime face aux minutes du procès de son bourreau. Cet effet est accentué par les prise de vues frontales et sans fioritures, elles ne nous montrent que ce qui était, rien de plus. À contrario, les cadres un peu vieillots et repeints en blanc à la main, donnent l’impression que ces images sont des reliques conservées par l’artiste.

On peut donc voir cette exposition sous deux angles différents ; imprégné du travail de l’artiste et donc craintif, ou en observateur extérieur fasciné par l’étalage minutieux des activités de Gregor Schneider. En définitive, tout ceci ne pourrait être qu’un sordide fait divers, pourtant il n’est constitué que de pièces vides et d’espaces abandonnés. Il n’y a pas de cadavre ni même la présomption d’en avoir un.

À l’étage se trouvent deux photographies de projets, dont un à Venise. Ce sont de très grands cubes noir, l’un posé sur la place Saint Marc, l’autre accolé à un immeuble insignifiant. Dans ces photos l’artiste envisage des extérieurs et non plus des intimités. Ils en sont presque aussi effrayants.