La galerie parisienne expose dans ses espaces la vidéo de l’artiste finlandaise Eija-Liissa Ahtila. Celle-ci est composée de trois projections distinctes, disposées non pas frontalement, mais perpendiculairement les unes par rapport aux autres. Comme souvent dans le travail de l’artiste, on ne peut tout percevoir à la fois. En regardant une ou deux vidéos on tourne le dos à la troisième. Et cela fait partie du propos de l’œuvre. Une même scène filmée sous différents angles, et restitués dans leurs pluralités.

Ce principe d’exposition, présent depuis longtemps dans ses œuvres et largement étudié lors du montage, nous pousse à nous rendre compte de la multiplicité des points de vues, de leurs indéfectibles relativités. Quel que soit l’objet ou l’intensité de notre attention, il y a toujours un angle mort. Il nous faut continuellement reconstituer les narrations, croiser les regards, suivre leurs directions pour suivre le fil de ces histoires simples.

Dans cette vidéo de 33 minutes, plusieurs personnes préparent une annonciation. Deux actrices travaillent à reformer l’une des interpellations fondatrices du christianisme. La scène comporte un certain nombre d’autres personnes qui sont à la fois les ordonnateurs de celle-ci et les premiers spectateurs de ce passage biblique. Tout y apparaît parfaitement prosaïque, et en même temps emprunt de la concentration de chacun. On voit tour à tour les essayages et la mise en place des différents moments de la pièce qui est en train d’être préparée.

On sait, grâce aux informations fournies à l’entrée de la galerie, que les acteurs présents sont majoritairement des amateurs, et que ceux-ci fréquentent un institut d’aide aux femmes en difficultés. Ces éléments doublent la lecture de la scène en répétant la question de la destinée et du face à face que chacun doit faire avec les choix qui s’imposent à lui, qu’ils soient ceux du messager ou ceux de son destinataire. Si la scénographie de l’installation n’interdisait pas aux spectateurs de faire face à toutes les ramifications, cette vidéo n’aurait été qu’un exercice de style, un documentaire. Mais cette œuvre nous demande d’accepter de ne pas être un spectateur omniscient. Ce dispositif de projection, si simple soit-il, nous impose de pénétrer sur scène, et ainsi d’être acteur de cette annonciation tout en restant assis sur nos chaises.