Le Musée Rodin continue son exploration de l’héritage du sculpteur en le mettant, cette fois, en parallèle avec l’incarnation de la sculpture moderne anglaise, Henri Moore. C’est en particulier les travaux préparatoires et intermédiaires de l’artiste qui sont présentés dans le cadre de cette exposition.

On trouve un grand nombre d’œuvres de petites tailles et beaucoup de dessins préparatoires, véritables réservoirs à idées et objets de démultiplication de celles-ci. Les feuilles sont méthodiquement recouvertes, selon une logique de séquençage qui emprunte autant à l’usage traditionnel qu’aux formules modernes de dénombrement. Chaque forme est étudiée selon toutes les contorsions possibles. Sheet of heads showing section en est un exemple formidable. Sa composition en cases se rapproche de celles des planches contact photographiques et permet de la lire comme un échiquier.

L’exposition présente toute une série de Stringed sculptures datant de la fin des années 30. Le sculpteur reprend ici à son compte les recherches de la sculpture cubiste autour des instruments de musique à vent. Le résultat fait penser à des saucissons dont le filet aurait repris son autonomie. Parmi les autres sculptures proposées, de très nombreuses femmes assises, nues ou drapées qui semblent bien désarmées face aux spectateurs. Ce n’est que quand les sculptures s’émancipent totalement de la figure humaine que l’appel du corps se fait le plus physique, le plus pressant. Ces œuvres en plâtre ont la couleur et la texture des objets flottés que l’on trouve au bord de la mer. Ils ont la chaleur des grigris et s’ils n’étaient pas si grands, on voudrait les mettre dans notre poche pour pouvoir les toucher du bout des doigts. Mais ils sont considérables et leur présence fait jeu égal avec la nôtre.

Dans un espace à part, l’exposition présente une reconstitution de l’atelier de l’artiste. On le découvre recouvert d’étagères où des rangées d’objets, de petites sculptures, d’os, de cailloux et de pièces de bois forment une collection douce et polie.

Dehors, les deux grandes sculptures Locking Piece et The arch sont des géantes.  Leurs couleurs sont les mêmes que les plâtres, mais leurs texture perd en velouté. Quelque part, une fois démesurées, ces sculptures s’éloignent de nous et prennent une place dans le paysage qui s’affranchit de nos mains pour s’adresser à nos yeux.