Comme chaque année le prix Marcel Duchamp va être délivré à l’occasion de la FIAC. Il y a quatre prétendants en lice, tous avec une réelle légitimité.

Cyprien Gaillard présente une vidéo ou des enfants et des bulldozers s’animent autour d’un bunker que l’on déterre. Ensemble et face à face ils creusent et jouent autour de ce bloc de béton et dans la grisaille environnante. Comme toujours dans le travail de l’artiste, il y a une part de paganisme dans cette video. L’activité à laquelle se donnent les différents protagonistes semble participer d’un rituel auquel nous ne sommes pas conviés mais que nous pouvons connaître grâce à la caméra présente sur les lieux. Le geste à demi-profanateur à demi-archéologique des enfants et des machines face au bloc militaire s’adresse à nous en mêlant les références comme pour mieux nous laisser nous approprier ce travail.

Camille Henro propose une vidéo aux accents ethnologiques dans laquelle s’animent les indigènes d’une île de l’archipel de Vanatu. L’artiste, témoin de cette danse pour touristes dans laquelle de jeunes gens passent à l’âge adulte en se jetant d’un promontoire attachés par les pieds face aux spectateurs en mal d’exotisme que l’on ne voit pas mais que l’on imagine bien ravis de l’expérience. La vidéo coupée dans la hauteur semble vouloir somatiser le décalage entre ce qui s’y passe et ce qui en est vu. L’artifice, un peu grossier et exécuté aux ciseaux n’en est pas moins à-propos tant notre goût pour le sacré s’accommode des trucs et des ficelles quand il en est pas lui-même demandeur.

Anne-Marie Schneider est représentée par un groupe de dessins et de peintures dans lesquels sont figurés des membres noués et déroulés, bras, jambes et autres élongations. Les peintures sont fluides et s’approprient nos postures sans que l’on ne devine vraiment de quel geste il s’agit. Ce sont des regards proches et souvent bienveillants, à hauteur d’enfant dit le dépliant, mais peut-être juste un peu trop roses pour vraiment en donner la teneur.

L’œuvre de Céleste Boursier-Mougenot, faite de plantes en pot pourrait presque passer inaperçue si les visiteurs ne savaient pas qu’il y a quatre artistes. Si, dans la forme, les quatre végétaux montés sur roues et équipés de moteur se déplacent relativement discrètement dans le carré qui leur est imparti, le mécanisme président à leurs mouvements est bien moins prosaïque. Puisque les déplacements des plantes sont déterminés par les mouvements de souris effectués sur une page web dans laquelle il est proposé de voter pour l’issue du prix Marcel Duchamp. Des votes évidemment pas pris en compte mais donnant lieu à ce lent jeu d’autos tamponneuses, musique silencieuse pour les yeux.

Délibérations faites ce sera à Cyprien Gaillard que revient le prix. Le jury n’aura pas manqué de souligner l’engouement notoire et parfaitement maitrisé dont jouit le jeune artiste.