L’exposition de l’artiste mexicain dans la Galerie Sud du centre Pompidou propose une expérience pour le moins étonnante. Aucun spectacle, presque pas de mise en scène, rien, sinon des œuvres. Dans l’espace quasiment vide, celles-ci alignées au sol, sur des tréteaux et aux murs forment une procession sans éclat et immobile. L’ensemble donne l’impression qu’elles ont été rangées par ordre de grandeur, ou selon une typologie méthodique, comme pour un inventaire avant un déménagement ou après une saisie.

Le choc est donc assez violent pour tous ceux qui, d’un seul coup, se retrouvent face aux œuvres, juste aux œuvres ; aucun médiateur pour proposer une quelconque danse du ventre, bien que deux policiers en casquette fassent leur ronde en silence. Dès lors, il ne reste plus qu’à regarder, et même à se pencher dans certains cas limites où l’accrochage n’est pas des plus confortables. Ainsi, les « collages du bonheur » effectués à partir d’un catalogue de Jacques-Henri Lartigue ont l’air d’avoir été enveloppés dans un plastique étudié pour accentuer les reflets et rendre invisible leur contenu à tous ceux qui refuseraient de plier les genoux.

Le dévoilement, presque impudique des travaux de l’artiste, donne toute sa mesure quand, une fois passé le trouble de cette nudité, on s’approche des œuvres. Et c’est dans ce mouvement que se joue cette non mise en scène : ces œuvres ne peuvent être vues de loin, non pas qu’il faille s’investir, peser, lire ou essayer de s’imprégner de ce qui est donné à voir. Les objets ici présentés sont à regarder comme on flâne au marché aux puces. C’est ainsi que pris d’intérêt pour l’un d’entre eux on se met à vouloir les avoir tous.

La célèbre DS, en queue de file, a un peu l’air sotte. C’est vrai qu’elle a plus d’allure présentée toute seule dans une pièce aux éclairages bien étudiés, mais pourtant on se plaît à l’aimer un peu plus à quelques mètres du bitume. De même, si les peintures géométriques semblent souvent un peu prétentieuses, ici leur méthodologie est bien plus excitante grâce à la proximité des autres travaux de l’artiste. Presque tout a du goût, les photos, les moulages, les découpages et autres bricolages qui sont autant des jeux de mains que des jeux de mots. Les jouets que l’on nous présente sont tellement attirants que l’on voudrait les manipuler, peut-être au risque de les casser, mais est-ce que cela serait tellement important ? Gabriel Orozco semble en fabriquer de nouveaux tous les matins.