Il y a toujours quelque chose d’un petit peu suranné à aller visiter une exposition d’Alechinsky, quelque chose de doux amère à apprécier ces grandes peintures volcaniques et quadrillées. On y va comme au Palais des glaces, pas beaucoup d’illusion quant au peu de frissons qu’on en retirera mais on est malgré tout attiré par l’envie de s’y croire encore un peu. D’ailleurs cette exposition regroupant des œuvres réalisées et inspirées par le sud de la France n’est pas pauvre en qualités, les grandes toiles y côtoient encres de petits formats et illustrations, le tout dans un accrochage impeccable, sobre et laissant tout l’espace nécessaire aux visiteurs pour respirer.

L’exposition permet à loisir de se replonger dans les années cinquante et soixante au cours desquelles l’artiste mit au point la fluidité de gestes et de matières qui lui est commune. On note au début de l’exposition que le glissement de l’huile à l’acrylique que l’on distingue bien puis ce marqué par le passage d’une salle à une autre, a été un vecteur important de souplesse et de liesses pour Alechinsky. Il faut dire que l’artiste n’a jamais boudé son plaisir quant à l’expérimentation de nouveaux matériaux. L’usage des encres associées aux divers supports, papier journaux, du japon, cartes maritimes et terrestres pour n’en citer que certains, jalonne avantageusement cette exposition et entraîne le visiteur en une douce divagation le long des salles d’exposition. Les remarques qui bordent de plus en plus les œuvres pour devenir quasiment indispensables dans le courant des années soixante s’imposent mais ne semble jamais superficielles. Au contraire, elles donnent au-delà d’un surplus de composition une diversité de paroles aux œuvres. C’est presque un heureux bégaiement qu’elles laissent entendre, et qui cristallise en elles les moments de doutes, d’indécision et de concessions qu’imposent leur création. Tout cela rend pratiquement systématiquement les œuvres sympathiques au regardeur.

Pourtant, arrivé au terme du parcours, face aux dernières œuvres présentées, on est comme attiré vers les cartels histoire de savoir quel chemin a été parcouru, presque cinquante ans. C’est un peu là que les bras nous tombent, toute cette inventivité, tout cet élan, tout ce déballage de couleurs pour en venir à des œuvres qui bien observées semblent franchement en deçà de celles que l’on a laissées quelques salles dernière nous. C’est sur ce triste constat que s’achève l’exposition. Comme fatiguées d’avoir bien ri et un peu essoufflées de toute cette fête, les dernières toiles ferment le parcours en un rideau de scène quelque peu trop décoratif.