La programmation d’une exposition Morandi à Toulon relève presque du mirage. Pourtant c’est dans un bâtiment dûment climatisé, à la façade néoclassique avec son hall d’entrée en marbre clair et disposant de toute la pénombre nécessaire que l’exposition se tient comme dans n’importe quel musée de province.

Les œuvres sont réunies dans cinq salles auxquelles s’ajoutent une salle de ressources documentaires, une salle où est projetée une visite commentée de l’exposition par la commissaire Laura Mattioli, et une salle proposant un contre point contemporain au travail de Morandi, celui du photographe Luigi Ghirri. Etant donné la relative petitesse des salles par rapport au poids du travail de Morandi, l’espace d’exposition aurait pu être trop court et laisser le goût de débâcle qui conclut parfois les expositions monographiques dans les petits centres d’arts, il n’en est rien ici. On y voit des natures mortes, encore des natures mortes, des paysages et aussi d’incroyablement lumineuses gravures et des dessins dans un parcours simple, à la fois thématique et historique. Et même si les encadrements tout ce qu’il y a de plus chichiteux et souvent vieillissant semble vouloir donner le la sur les murs blancs de l’exposition, l’extrême aridité de l’œuvre de Morandi donne de la rigueur à l’ensemble, et l’unité qui se dégage dans le parcours accapare le visiteur tout au long de sa visite.

Au premier abord on est tenté de penser que le travail de l’artiste va être répétitif et il l’est. Pourtant, à aucun moment, la lassitude ne s’empare de l’œuvre de Morandi. Les travaux de cet artiste sont ici parfaitement addictifs, on les regarde comme si l’on constituait une collection, il les faut tous, l’un mène à l’autre, puis en arrière à nouveau et envoie le regard en cent rebonds. D’ailleurs cette peinture ne ternit pas, elle l’est déjà dès le début, les couleurs ne s’usent pas et leur matière souvent crayeuse semble être la texture même des objets et des paysages que l’on voit dans les toiles. Rien n’est vraiment étonnant à regarder cette peinture, la géométrie s’accorde naturellement avec les gestes et la matière de la substance qui la dessine.

L’exposition donne aussi l’opportunité de pouvoir observer les œuvres sous l’angle d’amples ensembles dans lesquelles leur processus de création s’est souvent inscrit. Ainsi, alors qu’il est ici possible de profiter de la proximité de quatre natures mortes composées à partir de la même disposition d’objets, un parallèle se crée avec l’œuvre de Robert Ryman tant de la même manière les toiles prennent une individualité différente en si peu de variations. C’est d’ailleurs avec le sentiment d’avoir enfin pu voir et apprécier le travail de Morandi, trop souvent morcelé dans les musées et peu mis en vis-à-vis d’œuvre contemporaines, que l’on quitte les salles d’exposition.