Le couvent des Jacobins, principal espace d’exposition de la biennale, s’ouvre avec le distributeur d’œufs frais de Thierry Boutonnier qui était ce jour-ci hors service : amusante mise en jambe pour une exposition voulant souligner les relations entre l’art et les entreprises.

La visite commence vraiment avec l’installationSkatefloor du duo Barking dogs United, elle est constituée d’un assemblage serré de skateboards recouvrant toute la surface de la pièce, un résultat périlleux pour les chaussures à talons mais plutôt inoffensif pour le reste. S’en suivent plusieurs œuvres peu digestes heureusement ponctuées par l’installation de l’artiste Catherine Contour qui nous propose de faire une pause et de se reposer afin de favoriser la prise de décision consciente. Chacun jugera de cette opportunité offerte à mi-parcours de l’exposition.

Parmi les réussites on peut noter l’intervention de la coopérative Société Réaliste qui, à l’aide de perceuses, a inscrit au sol le nom de 4000 rennais afin d’en appuyer la réappropriation de cet ancien couvent.

Toute l’ironie (peut être fortuite) de l’œuvre se trouve dans l’effacement progressif des noms, foulés aux pieds au gré des visites de ces mêmes rennais, rendant petit à petit l’œuvre illisible. Dans la même salle, le moulage d’une pierre retrouvée dans une grotte, où elle avait été déposée il y a trois millions d’années en raison de sa forme rappelant un visage humain, est exposé par Hinrich Sachs. Ce petit objet en résine rouge, protégé dans une boîte en verre, nous regarde déambuler dans une pièce malmenée par l’action des fouilles archéologiques et de la coopérative Société Réaliste. Plus loin, la vidéo de Mauro Cerqueiranous invite à être le spectateur d’une énième performance de type « Jackass » où l’artiste fait sauter un tas de morceaux de verre à l’aide d’une balançoire au risque de se blesser. La vidéo a une véritable dimension jouissive si on a à l’esprit certaines œuvres de Robert Smithson.

Ailleurs dans la ville sont dispersées plusieurs interventions. Le musée des Beaux-Arts présente le Musée du XXIe siècle de Yona Friedman dans lequel les visiteurs sont invités à déposer les

objets qu’ils estiment significatifs de notre époque en vue d’être réunis et conservés. Installée dans le patio, l’œuvre prend la forme d’un marché aux puces famélique où est donnée l’occasion d’aiguiser sa curiosité et de se demander qui a bien voulu se défaire de son appareil photo, de son journal, de ses lunettes.

Si dans la précédente édition, Valeurs croisées, les partenariats, qui avaient été mis en place dans la création et la production des œuvres entre les artistes invités et des entreprises locales, donnaient corps au propos de la biennale, l’ensemble s’avère cette année confus et parfois poussif, le monde de l’entreprise étant bien souvent un prétexte voire totalement absent des œuvres soulignant ainsi les limites de cet exercice de style.